La journée s’étirait, chaude et humide, pesante auraient dit certains. E. et F. étaient installés sur leurs transats devant la piscine à profiter du soleil vietnamien tout en travaillant à apporter de nombreux articles de qualité à leur blog, articles attendus par des milliers de nombreuses personnes, espéraient-ils, tout en sirotant des boissons (non alcoolisées bien évidemment). Rien d’important ne devait se dérouler ce jour là, et E. noircissait son cahier d’idées brillantes et de phrases percutantes sur leur séjour dans la paisible Hoi An. Soudain, une serveuse, survenue de nulle part, se posa devant F. , lui faisant de l’ombre. Intrigué, ce dernier se releva.
« Excuse me sir, I think it is yours » [Excusez-moi monsieur, je crois que cela vous appartient]
Sur le plateau porté la femme trônait un lecteur musical portable qui était inconnu de l’homme.
« I am sorry, but it is not mine. » [Je suis désolé, mais ce n’est pas le mien.]
« You don’t understand sir? I am sure that it is yours! » [Vous ne comprenez pas monsieur? Je suis sûre que c’est le votre!] répondit-elle en regardant F. intensément dans les yeux.
F. , de plus en plus interloqué, enleva ses lunettes de soleil et se saisit de l’objet. Après avoir ajusté les écouteurs, il lança l’unique piste sonore contenue dans le lecteur. Un léger craquement, comme un disque en mauvais état, se fit entendre, suivi par une voix…
« Bonjour monsieur F. Votre visa vietnamien va bientôt expirer, et de nouvelles aventures vous attendent ailleurs. Votre mission, si vous l’acceptez, sera de quitter le Vietnam avec E. par la frontière du nord-est du Cambodge, plus discrète car moins connue, sans prendre l’avion, pour aller dans la province reculée du Ratanakiri, débroussailler le chemin car peu d’information sont disponibles, et prouver au ministère des affaires étrangères que ses fiches d’informations sont erronées (la frontière O’Yadav-Le Thanh n’est pas à destination du Laos!). Vous avez quatre jours pour accomplir cette mission. Evidemment, si vous ou E. étiez capturés, le gouvernement Français nierait avoir eu connaissance de vos activités. »
« Ah, au fait, « si vous l’acceptez » est une formule, vous n’avez pas le choix ».
F. , connaissant ses classiques, jeta l’objet dans la piscine avant que celui-ci n’explose dans l’eau, créant une vague de quelques centimètres de haut, et évita ainsi d’être blessé.
Générique :
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Souvenez-vous… C’était il y a un peu plus de deux ans, nous avions rejoint au Vietnam Sandrine, la soeur d’Élodie, Philippe son mari, Marine et Mathis, famille partie elle aussi vadrouiller aux quatre coins du globe. A l’occasion de nos retrouvailles, nous avons visité le sud du pays, Ho Chi Minh Ville (ou Saigon pour les intimes) et le delta du Mekong, aussi nous ne souhaitions pas y retourner (mais c’est quand même beau) et préférions découvrir de nouveaux horizons. D’où la sortie en plein centre du pays, et une démarche qui va surprendre plus d’une personne sur place.
La veille de notre départ ver Kon Tum, la première étape de ce périple vers l’inconnu, nous nous étions penché sur le problème de trouver le bus sans trop de difficulté à Danang, la ville la plus grande de la région de Hoi An, et point de départ des bus longues distances. Les horaires théoriques ne nous arrangeaient guère – six heure du matin plus une heure de taxi en amont, ou dix sept heure pour un trajet de nuit, pas plus emballant. Mais alors que nous nous résignions à essayer le « troisième horaire mystère », la gérante de l’hôtel vient nous demander nos plans pour les jours à venir, elle nous annonce qu’elle va se renseigner. Et elle y va. Après quelques coups de téléphone, elle raccroche et nous annonce : « Bonne nouvelle, il y a un bus demain à neuf heure »! Puis, prenant un papier et un stylo, elle note quelques instructions en nous disant : « Donnez les au chauffeur de taxi demain, je ne veux pas qu’il y ait un problème ». Évidement on ne connait pas la nature exacte du mot.
Levés à six heure le lendemain, nous partons avec le taxi un peu plus d’une heure plus tard pour être vers huit heure trente au maximum à l’arrêt de bus. En y arrivant, le pilote, contrairement à l’habitude, ne nous dépose pas à l’entrée mais cherche un endroit particulier, visiblement. Nous réaliserons assez vite qu’il cherche la compagnie des bus pour Kon Tum, conformément aux mystérieuses instructions de la veille. Il négociera même pour nous les places – et la rallonge pour nos volumineux bagages qui prennent une partie du coffre.
Nous voici bien vite installés au fond du mini-bus, dossiers inclinés dans le mauvais sens, tant le coffre derrière nous est rempli avec, juste au dessus, de plus petit – mais pas moins pesants – sacs menaçant de nous tomber dessus au moindre coup de frein un peu violent. À côté de nous se trouvent deux places vides : le mini-bus a en effet quinze places assises, réparties comme il suit : trois à l’avant, puis trois rangées de quatre sièges ou strapontins. Nous nous retrouvons donc fort logiquement à… Dix-neuf! Sur les deux places disponibles à nos côtés, on placera trois vietnamiens, et ainsi de suite. Autant dire qu’on est tassés! C’est parti pour cinq heures la tête dans les haut-parleurs du véhicule avec un voyageur vomissant régulièrement devant nous et un jeune narcoleptique (ou trop fêtard) qui me confondra régulièrement avec un oreiller…
La traversée est-ouest du Vietnam nous offrira des paysages splendides, en remontant du niveau de la mer à plus de mille mètres d’altitude, dans les haut-plateaux, avec forets denses, parfois clairsemées voir inexistantes à cause de « l’agent orange » fortement répandu dans cette région, mais aussi des chutes d’eau et cascades merveilleuses, des montagnes toujours plus hautes sur lesquelles les nuages viennent s’écraser, de possible « rainforest » en devenir… C’est aussi l’occasion pour nous de suivre une partie de la fameuse « piste Ho Chi Minh », une piste sinueuse traversant les montagnes et forets, cachée et connue de peu de monde – à l’époque de la guerre du Vietnam. Elle servait à acheminer discrètement armes et marchandises du nord vers le sud pour les combats contre les Américains. Réputée extrêmement dangereuse, des milliers de Viet y périrent, victimes d’accidents, de famine et de maladies diverses (sans oublier la guerre tout simplement).
Kon Tum apparaîtra enfin, après plusieurs heures de route sommaire, voire en construction. La ville dévoilera très vite ses limites touristiques : peu de gens maîtrisent l’anglais, ni les restaurateurs, ni les taxis… ni les hôteliers. Le choix de ce dernier sera d’ailleurs vite fait, passé l’établissement de luxe à 70$ la nuit, il n’y a que quatre hôtels, dont trois dans la même rue. La cité en soi n’offre qu’un intérêt limité, en revanche nous avons été surpris par l’accueil chaleureux des habitants, toujours souriants et prêts à décocher un « hello »! La ville a la réputation d’être la plus agréable du Vietnam, on ne démentira pas la chose.
Et si la ville n’est pas attrayante, ses alentours le sont, et toujours pour ses habitants, des minorités ethniques vivant en totales autonomies, sans taxe ou impôt à payer… mais sans aucune aide de l’état non plus. Faute de temps, nous ne nous éloignerons pas trop, pas assez pour aller à la rencontre des « Montagnards », une des cinq (il me semble) ethnies locales. Nous nous rapprocherons plutôt des Kon Tum, nom que portera la ville plus tard. Il est pourtant difficile de confondre les deux cités, séparées par une simple rue! L’habitat de cette population est pour le moins spartiate, et les maisons sont moins travaillées, voire tiennent du bricolage, à l’exception de l’incroyable maison commune, avec son toit immense et ses piliers qui la séparent du sol. Nous n’aurons pas d’explication pour justifier cette architecture. Les rues ne sont pas pavées, loin de la, et les poules, cochons et vaches se déplacent en totale liberté entre les maisons, ce qui ne participe pas à un aspect global de propreté.
Pas besoin en revanche de hautes technologies pour que les informations circulent vite, en revanche, car dès qu’un enfant nous repère, il crie aussi fort que possible – et autant de fois que nécessaire – « hello » en agitant son bras jusqu’à ce qu’on lui réponde. Le cri provoqué provoque un « effet boule de neige », les autres gamins sortant de leurs maisons pour, eux aussi, communiquer de la même manière (si on considère que dire bonjour est une forme de communication), et ainsi de suite. On sent qu’ils n’ont pas vraiment l’habitude de voir des étrangers!
Trop vite toutefois arrive le jour du départ, nous aurions vraiment aimé rester plus longtemps pour rencontrer de nouvelles personnes! Cependant, nous souhaitons franchir la frontière un jour de semaine, et attendre le lundi suivant aurait quand même pas mal amputé notre séjour dans le Ratanakiri.
Nous descendons de notre hôtel pour aller au bout de la rue, près du pont, et prendre un des taxi qui attend le client. Bien vite, on est assis à l’arrière d’un véhicule. Nous lui demandons d’aller à la gare routière. Sympathique, le gars veut faire la causette et nous demande où nous allons, et nous lui répondons : Pleiku, une ville plus grande, à une heure de route. Lui, à la recherche de plus de bénéfice, nous annonce que pour trente dollars, il nous y amène. Nous déclinons, car le bus est à quatre vingt mille dongs, un peu moins de quatre dollars… pour deux! L’homme ne se laisse pas abattre et baisse à vingt cinq dollars. Non merci! Arrivés, il nous aide à descendre les sacs… Nous allons au comptoir pour acheter les tickets tout se passe normalement et nous nous apprêtons à payer la somme demandée, jusqu’à ce que le gaillard réapparaisse! Il parle aux femmes du guichet, et le bus disponibles deux minutes avant n’existe plus, impossible d’acheter des billets ici, il n’y a pas de bus. On reste sur le cul. Les femmes nous annoncent que les bus pour Pleiku partent maintenant… de là où nous avions pris le taxi! On comprend vite la démarche du chauffeur qui vise à nous forcer la main.
On insiste, encore et encore, tant et si bien que le taxi comprend qu’il ne fera plus affaire avec nous et qu’il s’en aille (en nous re-faisant au passage une ultime offre… à trente dollars!) On pose les sacs et Élodie part assez vite faire le tour des chauffeurs de bus posés ça et là pour leur pause : si on nous refuse la vente au guichet, les conducteurs, eux, se laisseront sûrement appâter par quelques billets avec des zéros dessus (pas de folies, on est au Vietnam, vingt cinq mille dong égalent un euro!). Élodie finira par trouver notre bonheur (sans pot-de-vin) et après un long moment d’attente nous partirons.
Le trajet en mini-bus se déroulera sans accroc, jusqu’à ce qu’on demande au chauffeur de nous arrêter à la gare routière. Il nous déposera à un rond-point, en nous faisant comprendre que la gare est un peu plus loin, par là. Deux kilomètres en réalité, on le découvrira plus tard.
Si Kon Tum a un aspect touristique, avec ses ethnies facilement accessibles, Pleiku n’en est pas à ce stade (il est très difficile d’atteindre les ethnies locales sans passer par agences, autorisations spéciales et tout et tout). De grandes avenues tristes peuplées par des gens heureux (c’est déjà ça). Nous souhaitons savoir si des bus pourraient nous déposer à la frontière (Le Thanh) et, coup de chance, il y a une agence touristique – une seule – en ville. On se décide à y aller avant de se rendre à la gare, au pire des cas. A l’adresse indiquée par notre – vieux – guide, on trouve porte close, et on nous apprend qu’elle a déménagé. Nouvelle adresse. On y va. Enfin presque :la rue supposée a été débaptisée il y a peu, et l’agence, elle, a encore déménagé. On abandonne alors l’idée de l’agence pour aller à la gare ; on essaye d’attraper un taxi, et de fil en aiguille, on se retrouve devant un grand bâtiment. Par hasard, mes yeux se baladent sur les noms des entreprises, et, heureuse coïncidence, l’agence recherchée est là! Deux heures de marche, c’est déjà pas mal.
Nous sommes accueillis par une demoiselle parlant français, et nous lui décrivons notre objectif : elle part se renseigner et revient en nous annonçant que, malheureusement, aucun bus ne part pour la frontière ou le Cambodge le lendemain, uniquement le samedi suivant. Notre vendredi étant soudainement libre, pourquoi ne pas réserver une excursion avec eux pour aller dans un village de « Montagnards », pour la modique somme de soixante-dix dollars? Nous ne la croyons pas vraiment. Taxi pour la gare routière. Arrivés, on détaille chaque bus, chaque destination. Pas de « Le Thanh ». Aïe. Dans une compagnie qui a des bus qui se rendent au Laos, on cherche des renseignements, en vain ; personne ne parle un mot d’anglais et il nous renvoie vers les guichets. Après un long moment d’enquête à montrer, comptoir après comptoir, une carte de notre guide de voyage avec la frontière clairement indiquée, la nouvelle tombe : il n’y a pas de bus pour « Le Thanh ». Tout court. Il faut prendre le bus pour « Duc Co », le dernier village avant la frontière, et enchainer avec un taxi. En extirpant difficilement les informations, on apprendra que le bus part demain matin, entre six heure et huit heure trente. Chouette.
A l’heure la plus matinale le lendemain, nous attendons sur des chaises en plastique. un peu plus tôt, une dame ayant compris (Alléluia) notre demande nous avait dit d’attendre ici jusqu’à sept heure trente (une heure trente d’attente). A huit heure dix, le bus arrive, et à huit heure dix-huit très précisément, il repart, nous à bord. Une bonne heure et demie plus tard, et des dizaines d’embarquements/débarquements plus tard, nous nous retrouvons seuls avec le chauffeur et son assistante, entourés de quelques maisons disséminées de ci de là, à peine plus. « Duc Co ». Je demande (avec pas mal de difficultés) à la jeune femme si il y a un bus pour la frontière. Non… Un taxi? Non… …Un motor-bike? Non. Il y a quoi alors? Rien.
L’affaire s’annonce difficile! On commence à aller de commerce en commerce (ici une maison = un commerce), sans succès. Pas de bus, moto, taxi, tuk tuk, pousse-pousse, vélo, tracteur ou quoi que ce soit pour nous emmener. On commence a désespérer, Élodie commence même à faire du stop. De mon côté, je continue mon porte à porte, puis je croise le chemin d’un minivan en partance pour Pleiku, déjà rempli de quelques passagers, curieux de ces étrangers. Je lui demande :
« You go to Le Thanh? »
Il secoue la tête.
A-t-il compris? Je repose la question plus lentement, avec des gestes. Même réaction. De l’autre côté du bus, près de la porte passager à la vitre ouverte, une personne qui parait être la femme du chauffeur parait plus véloce, en tout cas elle a l’air de comprendre notre objectif. Je m’adresse donc à elle avec les mêmes termes. Non, définitivement, ils ne vont pas à « Le Thanh ». je demande si il n’y a pas une seule moto ou taxi dans les environs pour nous emmener. L’oeil de la femme s’illumine en entendant les derniers mots et elle échange quelques mots avec son homme. Lui saisit un stylo et écrit une somme sur sa main, la regarde, la raye et en écrit une plus petite, et me la montre. Cent mille dong (quatre euro)? Moins cher qu’imaginé! Nous sautons sur l’occasion! La femme nous invite donc à venir nous asseoir sur sa terrasse devant sa boutique, et nous offre même un thé!
Quelques minutes après, le chauffeur a troqué son bus et ses passagers pour une voiture (climatisée s’il vous plait!), et nous partons pour la frontière! Le trajet se fera vite et on apercevra le poste frontière, côté vietnamien. Tout autour, ce ne sont que travaux gigantesques, une autoroute semble être en construction, les fondations de bâtiments administratifs sont posées, les champs tout autour sont en effervescence. Un soldat vietnamien, sans doute ravi d’avoir une occupation variant de l’ordinaire, nous guide jusqu’à la machine à rayons X… et me demande de vider entièrement mon sac pour une bonne grosse inspection! Très vite, je crois qu’il réalisera que tout fouiller demanderait un temps fou (j’ai un sac en bandoulière contenant un sac de toile contenant une housse de compression (utile pour empiler des vêtements et les… compresser) qui contient elle-même une serviette de plage qui protège une petite sculpture de bouddha, mais aussi des sacs de vêtements, des médicaments, des livres…) et Élodie aura droit à une fouille extra-légère! Après les formalités d’usage, nous partons vers le poste frontière, côté cambodgien.
Au revoir le Vietnam, à bientôt peut-être! Notre deuxième visite dans ce pays à l’ambiance si particulière nous aura, comme la première, ravie, re-découvrir ses habitants joyeux, admirer des paysages inconnus mais dans l’imaginaire collectif, pouvoir se prélasser dans une ville centenaire, et surtout ces derniers jours si exceptionnels dans les haut-plateaux, à la magie particulière grâce à ces personnes qui les peuplent, qui donne envie d’aller à leur rencontre et avec qui on aurait tellement aimé pouvoir discuter, partager, découvrir! Au revoir ces liasses de billets et négociations à outrance!
Au revoir aussi champs bien entretenus et travaux en cours avec de grosses machines, et bienvenue dans la jungle! Le poste frontière Cambodgien est assorti au reste du décor : des cabanes de bois.
Le douanier sur lequel on tombe parle un anglais correct, et en plus est le chef du poste, on en a de la chance! Il nous fournira vite le précieux sésame, ainsi que des bouteilles d’eau fraîche. Il nous demandera aussi si nous avons prévu un taxi pour Banlung, ce qui n’est évidemment pas le cas. Il nous indiquera alors qu’il en appelle un. Commence alors pour nous l’attente.
Une demie heure : un groupe de Vietnamiens vient d’arriver, il y a pas mal de mouvement. Trois voitures et un camion sont garés, et trois autres véhicules passent du côté d’où nous venons.
Trois quart d’heure : Les vietnamiens partent vers Banlung dans une des voitures. Ils sont au moins neuf, la voiture à cinq places, ils rentrent tous. Normal. Le camion, lui aussi, repart dans la direction opposée au groupe.
Une heure : Le taxi se fait toujours attendre. une femme se fait enguirlander par un soldat car elle s’est garée en travers de la route pour aller au poste. Il ne reste plus qu’elle et un autre véhicule, toujours garé. Il est onze heure et l’activité de la matinée est passée, le poste s’endort doucement.
Une heure quinze : Aucune voiture n’est passée en quinze minutes, et le taxi du début s’est transformé en bus en retard d’après le gardien de la frontière.
Une heure trente : Rien, à part une chaleur écrasante et une lumière démente, la même qu’on utilise au cinéma pour montrer la chaleur d’un désert hostile.
Une heure quarante cinq : Un homme arrive pour livrer des journaux aux douaniers. Je vais vers lui et lui demande s’il va à Banlung. Il acquiesce. Je lui demande combien il veux pour nous emmener, Élodie et moi. Il cours vers son véhicule et revient, exhibant fièrement sa carte de taxi officiel. On est ravi, mais combien? Oui, oui, vous êtes un vrai taxi, mais COMBIEN? Le chef de poste arrive, échange quelques mots avec le taxi et ce dernier remonte dans sa voiture. Je le suis et insiste pour qu’on aille avec lui. Lui pointe le douanier du doigt. Je vais voir ce dernier, qui nous explique paisiblement que le bus est plein et qu’il faut attendre le prochain taxi (??!! Si comme moi vous n’avez pas compris, c’est normal). je retourne voir le chauffeur et lui fait comprendre, enfin, la question du prix. Il me demande dix dollars, et il demande dix dollars à Élodie, soit vingt dollars, comme le prouve l’addition faite devant moi sur sa main.
« Vingt dollars », je lance à Élodie.
« On y va, je vais pas attendre la fin de la vie dans ce trou du c** du monde! », me répond-elle.
Je reviens, me saisit d’un bagage sous les yeux du soldat, qui me demande combien on me réclame pour le trajet. Je lui réponds, dans mon anglais des jours difficiles, « vingt, je sais c’est cher mais on ne va pas rester pour attendre un bus plein! ». Sitôt prononcé cette phrase, on charge les sacs dans le coffre, et on embarque dans la voiture, direction Banlung, à soixante-dix kilomètres de là. Après quelques minutes, la civilisation parait reprendre ses droits sur la vie sauvage, des maisons et des champs apparaissent de manières ponctuelles, puis régulièrement. Des maisons complètement différentes, pourtant à quelques kilomètres seulement du Vietnam : ici tout est en bois, et surélevé par d’imposants piliers. Les habitants ont une peau plus sombre, et ils semblent plus pauvres que de l’autre côté! Même la nature a changé de ce côté-ci, et elle revêt une robe plus hostile, moins domptée par l’homme. Même la terre au bord de la route a changé de couleur, passant du jaune clair au rouge ocre : voici le Ratanakiri.
En s’approchant de Banlung, le conducteur nous demande où nous voulons aller (enfin je crois) mais la communication passe tellement mal qu’il décide d’aller voir une connaissance parlant anglais, dans ce qui semble être le centre de Banlung. Ce dernier maitrise les bases de la langue de Shakespeare, et lorsque nous lui indiquons où nous voulons nous rendre, il contacte un des employés du site qu’il connait, et ce dernier arrive accompagné d’un deuxième moto-bike. C’est parti donc pour deux kilomètres de chevauchée à deux, avec nos valises calées sur le guidon! Très vite, on pose nos valises sur la terrasse du bungalow que nous louons. Nous sommes arrivés à destination.
Mission : accomplie.
mission : impossible …. c’est le titre d’un film , sauf que vous ,vous l’avez vécu ! quelle aventure pour arriver au Cambodge , vous n’avez pas choisi le moyen le plus facile ! mais comme le dit un autre film » l’aventure c’est l’aventure « ….et puis ça donne du piquant au voyage , çà permet aussi d’aller à la rencontre de certaines populations méconnues des réseaux touristiques , quelle richesse !
francine
Les hauts-plateaux du Vietnam…, un nom peu commun pour une destination très peu connue et encore moins empruntée par les nombreux voyageurs attirés par la côte. Si j’avais su, j’aurais écourté ma visite de l’est pour passer plus de temps à l’ouest. Les habitants de Kon Tum ont été adorable et très souriant. D’une sincérité touchante à bien des égards, ils m’ont présenté le Vietnam comme on l’aime et comme on voudrait qu’il reste dans la tête de beaucoup de gens. Un second séjour très réussi dans ce pays !
Notre mission de rejoindre le Cambodge par cette route inconnue n’était finalement pas impossible mais assez osée. Mais c’est ces moments là où l’on titube et où l’on se questionne… qui restent les meilleurs ! Je ne pensais pas un jour me retrouver dans un village perdu au fin fond du Vietnam, invitée à boire un thé chez une habitante en attendant que son mari prépare sa voiture pour nous dépanner et nous conduire au point de chute suivant.
L’aventure c’est l’aventure !
Je dirais même plus (pour citer un autre film, pixar, lui) :
L’aventure c’est extra !