On dit toujours que un an, ça passe vite. Et ce n’est pas moi qui vais vous le contredire. Mais parfois… quand même ! Aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire, une histoire vraie…
On raconte qu’un petit garçon qui aimait fort sa famille, eut envie, un jour, de partir. Partir pourquoi ? C’est peut-être la question qu’on lui posa le plus souvent. « Partir voir le monde ! » répondait-il. « Je suis grand maintenant, j’ai besoin de marcher droit devant moi et de toujours avancer pour aller plus loin ». Il adorait grimper en haut des montagnes et voir ce qui s’y cachait. Ce qu’il ne savait pas au début, c’est que derrière les montagnes se cachaient d’autres montagnes… Il se mit très vite à grimper sans cesse et à chaque nouveau paysage, il avait toujours envie d’aller voir plus loin. Le petit garçon était devenu un homme et sur les routes du monde, il avançait. Le temps passait. Un mois, deux mois, cinq mois. Il ne donnait que très peu de nouvelle si ce n’est par de brèves lettres, absorbé qu’il était par ses nouvelles découvertes. Solide comme un roc, il profitait de son aventure en se disait qu’elle durerait toujours… Enfin… le temps qu’il lui restait en voyage lui semblait suffisamment long. Les jours défilaient et rien ne semblait le freiner. Vous savez les sentiments parfois… Mais un jour…
C’était un samedi matin. Il était très tôt pour le jeune garçon. Six heure du matin. Il s’était déjà levé bien plus tôt ! Mais quand même, ce n’était pas une partie de plaisir. Sauf que ce jour là, la situation était bien différente. Le réveil sonna. Il n’eut pas besoin de le faire répéter plusieurs fois, il sauta du lit. Une voiture l’attendait déjà, malgré la nuit, et laissait calmement ronfler le moteur, prêt à démarrer en cas de besoin dès son arrivée. Six heure quinze, les passagers filaient en direction de l’aéroport. Au lieu de l’heure annoncée, le trajet ne durera que vingt minutes. Le garçon trépignait d’impatience. Son carrosse blanc, sorti tout droit des années soixante, se glissa à l’entrée du bâtiment. Des centaines de personnes étaient là à attendre des amis, de la famille ou des futurs investisseurs enrichis. Il était un peu plus de six heure trente du matin, il faisait toujours nuit mais surtout, il faisait froid. Le garçon s’offrit un café noir pour patienter. Les minutes semblèrent durer une éternité. Mais que lui arrive-t-il ? Lui, toujours solide face à ce genre de situation ?
Et puis
Enfin Ils arrivèrent.
Deux personnes sortirent de l’aéroport, noyées au milieu des autres passagers. Les regards se croisèrent très très vite avec le garçon, les sourires aussi. Chacun pressa le pas pour retrouver l’autre plus vite et les bras se levèrent. Les visages se décrispèrent.
Les mots manquent parfois dans ce genre de moment. Vous ne croyez pas ? Le jeune garçon remonta dans le beau carrosse blanc, cette fois accompagné de ses deux parents. Le moteur démarra silencieusement. Personne ne parla immédiatement. J’observe le visage de mon chéri. Lui qui ne dit rien d’ordinaire ou soi-disant ne ressent rien ?? Aujourd’hui, je vois un homme comblé.
On dit toujours que un an, ça passe vite. Et ce n’est pas moi qui vais vous le contredire. Mais parfois, on aimerait dire que onze mois sans voir sa famille, c’est difficile. Mais ça, ce n’est pas le jeune garçon qui l’avouera dans son récit.
Car mon récit à moi n’est pas fini, la suite de l’histoire se passe dans la capitale du pays des rois, le Rajasthan, dans la ville rose aux nombreux forts et temples : Jaipur.
Et cette fois ci, les services d’un chauffeur privé pour la journée avaient été demandés pour déplacer la famille d’un palais à un autre. On se croirait dans un conte de fée, vous ne trouvez pas… Ah ?? Suis-je bête, l’histoire se passe dans un conte de fée ! Le chauffeur personnel de la famille était indien, habillé tout en blanc dans un beau costume, avec une belle moustache au dessus de sa grande bouche, un regard noir et énigmatique. L’homme s’appelait Ganesh, « comme l’éléphant » rigolait-il. Il n’était pas bien bavard mais conduisait toujours avec joie la petite troupe dans son beau carrosse blanc des années soixante.
Situé en plein coeur de la ville, le Hawa Mahal – Palais des vents – surgissait comme un mirage inattendu au milieu des embouteillages incessants de la ville, une ré-interprétation des mille et une nuits, celle de l’époque où récits chevaleresques et honneurs princiers s’entremêlaient pour le plus grand plaisir des oreilles des petits. Les Rajputs… Issus, selon la légende, du Soleil et de la Lune, les fils de princes (« raja ») furent déposés sur terre dans le but de combattre les démons. On dit que la majorité des habitants du Rajasthan seraient d’origine Rajput. De castes guerrières, ces solides soldats réussirent à retenir l’invasion musulmane moghole et construisirent de splendides villes sur leur territoire, Jaipur fut sans doute une des plus prestigieuses. Le palais des vents, édifié au XVIIIème siècle fut une de leurs merveilles.
Profonde dévotion à la divinité hindou Krishna, il fut bâti par le Maharaja Sawai Pratap Singh. Les dames de la famille royale vivaient à l’intérieur et évoluaient dans le strict respect de la « purdah » : elles n’avaient pas le droit d’être vues par des hommes. C’est pourquoi 953 fenêtres ornèrent la façade du palais afin que ces femmes puissent observer les processions et les festivités de la rue derrière leurs ouvertures sculptées en toute discrétion.
C’est par un bel après-midi que la famille de mon récit entra dans ce splendide palais. La pierre rose brillait sous le soleil et les rayons pénétraient d’une pièce à l’autre par les différentes ouvertures, se faufilant parfois avec peine dans la cour suivante comme un petit serpent qui glisserait de pierre en pierre discrètement afin de ne pas être vu. Le petit groupe découvrait les pièces avec bonheur et photographiait chaque ouverture. Les sculptures étaient finement détaillées et les verres colorés agrémentaient joliment les pièces du palais. Il y en avait des centaines reliées par des petites cours, protégées, elles, de la chaleur grâce aux solides murs qui les encadraient.
Les pièces et les cours se succédaient presque sans fin comme dans un labyrinthe. La famille s’amusa vite à une partie de cache cache, à qui découvrira la pièce la plus excentrée et la plus isolée du reste du palais. Du haut de la citadelle, une vue imprenable dévoilait le reste de la ville.
La famille décida alors de grimper sur un point encore plus haut de Jaipur, en haut du minaret Ishwari Minar Swarga Sal, trente cinq mètre au dessus du sol. C’est ici que l’histoire raconte qu’un certain Ishwari Singh se serait donné la mort plutôt que d’affronter l’armée ennemie.
Jaipur est une ville très chaotique et polluée. Un peu plus calme que Delhi, elle ne ressemble pourtant en rien à un havre de paix pour les oreilles. Ne venez pas ici pour vos vacances et décompresser ! La vieille ville est une succession de petits bazars où tissus et sculptures de divinités se vendent à bas prix ; les escrocs, eux, ont tendance à les gonfler. Encore des couleurs, des odeurs, du cuivre et de l’argent ! Une vraie caverne d’Ali Baba cette fois !
La famille s’enfonça dans les méandres des rues, tourna à gauche, puis à droite, encore à droite puis à gauche et monta en haut de plusieurs escaliers. Avez-vous suivi où ils en sont ? Eux non, ils se perdirent rapidement au milieu du bazar et furent obligés de suivre leur instinct pour en sortir vivant ; une immersion involontaire mais délicieuse avec les habitants de la ville. Si le jeune garçon n’avait pas eu le portefeuille creux, il aurait pu en profiter pour investir dans tout un tas de cochonneries, ça brille, ça resplendit et ça sent bon. La famille comprendra qu’il sera peut-être difficile de résister à ces belles tentations…
Elle ne résista pas bien longtemps par contre à l’appel des hauteurs en périphérie de la ville. On racontait qu’une forteresse, construite près d’un lac et nichée au bord d’une gorge de montagne, serait abandonnée. Le fort d’Amber était autrefois la capitale de l’État jusqu’à ce que les Rajputs déplacent la ville à Jaipur.
Ce palais, administré par Man Singh Ier en 1600 fut construit en partie par un homme du nom de Mirza Râja. Malheureusement… (parce qu’il faut toujours un retournement dans un récit !) un autre palais subsistait pas très loin, gouverné par un autre empereur… Ce dernier, lorsqu’il appris la construction d’Amber, fut fou de rage. On disait que ce nouveau palais serait une véritable merveille ! Les travaux terminés, ses doutes se confirmèrent : de nombreux visiteurs affluaient afin d’admirer ses fines sculptures et ses colonnes de grès rouges. Dans une explosion de jalousie, l’empereur envoya son armée à Amber pour jeter à bas ce chef d’oeuvre. La nouvelle arriva aux oreilles de Mirza qui décida, lui, pour sauvegarder son oeuvre, de recouvrir les colonnes rouges par du stuc. L’armée rentra finalement bredouille auprès de l’empereur jaloux et témoignèrent que cette soi-disant magnificence dont on avait tant parlé n’était qu’une pure invention. Depuis, les colonnes ne furent jamais dévoilés et restèrent protégées par du stuc. Jusqu’au jour où…
Le plâtre tomba en partie… et que l’on pu redécouvrir les sculptures, parfaites, comme au jour où elles avaient été terminées.
Il fallu quatre heures pour que la famille s’imprègne du lieu. Les cours étaient moins nombreuses qu’au Palais des Vents mais les pièces étaient plus grandes, plus travaillées. L’influence moghole était évidente. Les appartements privés prenaient place après un dédale sur quatre étages de rues et de somptueuses pièces dédiés aux femmes ou au roi.
L’une des pièces, Sheesh Mahal, fut ornée du sol au plafond de mosaïques de verres colorés et de bris de miroir. Le résultat était tout simplement splendide ! La famille resta sans voix. Les palais de la région étaient d’une beauté exquise et d’une finesse remarquable.
Depuis les contreforts de la forteresse, la famille observait tranquillement l’horizon lorsqu’elle s’aperçut que « l’ancienne ville » au pied de la forteresse dont on disait que les murs s’écroulaient, avait eu une seconde vie. Aujourd’hui, 20 000 habitants occupaient les vieux bâtiments et entretennaient les trésors tout proches. Le joyeux groupe s’approcha. Il était dimanche, au beau milieu de l’après-midi, et il n’y avait pas beaucoup de monde dans les rues. Seuls quelques enfants s’amusaient à se courir après et d’autres étaient de corvée de vaisselle. Deux adultes discutaient au pied du puits du village à pomper, pomper, pomper encore pour remplir leur grand seau d’eau afin de se laver ou cuisiner. Il régnait une atmosphère paisible de village endormi en plein désert.
Le jeune garçon fut séduit par ce vieux village, moins sophistiqué que la nouvelle ville et plus authentique, certes, il était endormi mais bien plus vivant que le palais d’à côté qui ne revivait que chaque matin mais s’éteignait chaque soir après le départ des derniers touristes.
Et comme dans chaque conte, il y a toujours des surprises, celle de mon histoire arrive précisément à ce moment là… !
Le Rajasthan étant une terre particulièrement aride, les hommes construisirent depuis des siècles des « baori », des sortes de puits à l’inclinaison régulière, afin de recueillir et de conserver un maximum d’eau pour les habitants. Ces puits démontrent aussi le goût des architectes pour la géométrie parfaite.
La journée touchait à sa fin. Ganesh proposa à la famille de retourner dans leur appartement. Mais sur le chemin, il leur fit une seconde surprise, toujours en rapport avec l’eau. Le carrosse des années soixante s’arrêta sur les rives d’un lac. Ganesh invita tout le monde à descendre et à se rapprocher du bord. Il y avait, parait-il, une photo à ne pas rater ! Mais attention ! Pendant bien longtemps, il n’y avait pas de lac à cet endroit là…
De nombreuses années en arrière, au XVIème siècle précisément, il y eut une grande famine dans la région et par conséquent une forte pénurie d’eau. L’empereur décida alors de construire un immense barrage afin de contenir l’eau des pluies et d’approvisionner les habitants de la région. Son barrage en terre et en quartzite fut une brillante réussite et un siècle plus tard, remplacé par de la vraie pierre de maçonnerie pour le solidifier. Long de trois cent mètres et muni de trois vannes pour irriguer les champs voisins, le barrage subit de nombreuses rénovations depuis.
Mais le hic… ! C’est que lorsque le lac d’eau de pluie est au plus haut, le palais construit au centre du terrain est alors noyé ! Seul l’étage supérieur est visible, le reste est enseveli sous l’eau. Il faut alors attendre de fortes sécheresses pour l’observer en entier et le rejoindre à pied ! Le Jal Mahal est un de ces palais mystérieux qui a emporté avec lui ses secrets… Les rares peintures encore présentes laissent à penser qu’il était entièrement recouvert de fins dessins sur ses murs. Mais l’eau a fait depuis fait son effet…
Mon histoire s’achève déjà. La ville rose de Jaipur, dynamique, dévoile sans faiblesse, jour après jour ses nombreuses merveilles aux centaines de voyageurs curieux qui affluent chaque année. La région du Rajasthan, digne héritière des guerrier Rajputs n’a pas à rougir. Bien au contraire ! Les chants traditionnels encore bien présents dans les festivités des habitants de l’ère moderne, racontent encore et toujours les centaines d’histoire des rois, empereurs, guerriers et maharajas. Histoires vraies ? Ou histoires enjolivées peut-être ? Peu importe. Les enfants raffolent de ça et les adultes ne se lasseront jamais de raconter des histoires pour faire ouvrir grand les yeux des plus grands et endormir les plus petits. Le trésor de l’Inde est sûrement là. D’un patrimoine riche en contes et merveilles, le pays a su entretenir les mythes ; et même si le temps des rois et des empereurs est fini, les habitants, eux, n’ont pas terminé de raconter de belles histoires !
Mais cette fois, au cinéma !
La famille finira son aventure un soir, dans l’un des tout premiers cinéma « Bollywood » du pays : le Raj Mandir. Au programme ce soir : le nouveau film » Special 26 « . La salle est pleine à craquer, les gens crient à pleine voix, les gens applaudissent au milieu du film, ils sifflent, ils s’emportent. Ils vivent (enfin !) la séance du cinéma. Car les indiens sont des gens joyeux qui aiment profondément les histoires. Mais je vais m’arrêter là car cette fois, ce n’est plus mon récit.
Si vous voulez lire un extrait du film, cliquez sur le lien ci-dessous :
Un joli conte… oú le merveilleux se combine à la realité et se décline en féeries mutiples…
c’était une tres belle histoire , au pays des contes et milles nuits , mais tellement vraie celle ci ! elle nous touche beaucoup , pour l’avoir vécu nous aussi dans une autre contrée
Il était une fois… des rencontres du bout du monde ou parents et enfants se retrouvent pour parler, ressentir, se raconter des histoires féeriques si proches de nos sentiments enfouies par la vie quotidienne… voyageons encore et encore!!… merci les enfants…