Le Japon…
Formé par des centaines d’îles, d’archipels et d’îlots, le pays du soleil levant abrite une faune et une flore très variées car traversé par des climats opposés du nord au sud. Ces habitants vivent depuis toujours le regard tourné vers la mer faisant face fièrement aux nombreuses difficultés, séismes et tsunami, un quotidien qu’ils ont accepté et intégré dans leur mode de vie.
Le Japon, nous rêvions d’y poser un jour les pieds, étape obligatoire dans notre voyage.
Depuis Osaka, notre port d’arrivée en ferry, nous regagnerons Kyoto par un train JR. Et là, c’est la grande surprise (le première d’une longue liste). Impossible de se perdre dans ce pays ni même de tourner en rond pendant plus de dix minutes. La gare d’Osaka a beau être immense et complexe, l’organisation nipponne est impeccable et des points d’informations sont disposés régulièrement. Nous demandons notre chemin à un de ces derniers, à une jeune japonaise (premier contact très agréable, pour nous, le Japon, c’est gagné), elle parle un anglais impeccable et nous tend un papier pré-imprimé : Kyoto, train numéro machin, prix 540 yen, plateforme huit, prochain départ dans vingt minutes. Nous filons sans aucune question supplémentaire – nous en étions nous posés ? – et nous arrivons à notre auberge en cumulant trois modes de transports différents dans un pays encore inconnu, métro, JR et train de banlieue, avec un enchainement irréprochable. On ne fera jamais mieux dans aucun pays de notre parcours.
Nous logeons dans un ryokan, une chambre d’hôtes dans une maison traditionnelle japonaise. Et faute d’avoir les moyens de dormir dans l’hypercentre de Kyoto (compter 60 euro la chambre double, salle de bain partagée dans notre auberge. Ça fait déjà mal), nous sommes donc dans le quartier résidentiel de Uzumasa à quinze minutes en JR de la gare centrale. Ce qui n’est pas pour nous déplaire. Nous avons l’impression de vivre avec les japonais, d’être plongé dans leur environnement. Environnement qui nous surprendra dès la sortir de l’hypercentre. Nous nous imaginions un Japon haut en building et bourré d’immeubles afin d’accueillir tout ce petit monde. Et bien non, Kyoto, dès la sortie de quelques buildings du quartier d’affaire, est une succession de petite maison individuelle à deux étages maximum. Il y en a de partout. Notre quartier est donc à taille humaine, composé de petites maisons de ci de là et de commerces pour se sustenter. Nous tombons sous le charme. C’est une ville dynamique et charmante, avec des allures de village. (Oh là là, que va-t-on penser de la France en rentrant ?…. Kyoto, un village ?? Vous verrez Tokyo !)
Charme qui continue à l’intérieur de notre chambre d’hôtes. Le Bola Bola Guesthouse est construit avec le caractère typique des maisons japonaises. Le ton est donné dès l’entrée : veuillez vous déchausser car le plancher en bois est surélevé. Gare à ne pas laisser trainer vos chaussures sales ; rituel bien intégré.
La maison est assez petite et nous vivons véritablement chez eux. Elle est composé de plusieurs pièces carrées, toutes séparées par un mur en papier laissant la nuit tombée s’imprimer légèrement les corps en ombres chinoises. Ces pièces peuvent être transformées en grande pièce unique grâce aux murs coulissants.
La décoration est minutieuse, pas trop chargée et faite de détails provenant de l’extérieur, petit arbre, feuilles et pailles séchées, pierres, bambous, etc. Nous découvrons l’artisanat japonais et leur goût pour l’art manuel, rien ne semble sortir d’usine grossière. Ils ont le goût pour la finesse de leur travail. On a déjà envie de tout acheter ! Ça va faire mal au budget tout ça…
Nous passerons ainsi dix jours dans cette maison à l’ambiance zen parfaite.
Les japonais ont cela d’assez incroyable. Une sérénité très avancée nous surprenant nous européen qui nous bousculons dans tous les sens sans trop réfléchir. Fabien s’amusera à les décrire comme des personnes volantes, c’est à dire en lévitation comme l’aurait fait Buddha dans notre imaginaire. Malgré une activité frénétique régnant autour de nous, les japonais sont d’un calme exemplaire (cela doit être la sagesse que tout homme recherche). Et à Kyoto, ils ne ratent pas une occasion pour se relaxer. Il faut dire qu’ils ont de quoi le faire.
Kyoto, ancienne capitale de l’empire japonais, est un plaisir pour les yeux. La ville ne manque pas d’activités au regard du nombre de temples et pavillons présents. De premier abord, c’est une ville assez banale mais en marchant de rue en rue et en poussant les portes « fermées », les voyageurs curieux découvriront un vrai petit bijou et un patrimoine particulièrement ancien. Dix sept temples, rien que ça, sont inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO. Des centaines d’autres temples sont répartis dans toute la ville. Il arrive donc souvent que par hasard dans une rue sans allure, vous tombiez (oh surprise ! on s’en lasse presque au bout d’une semaine… la routine quoi) sur un petit temple caché et non répertorié par votre guide.
Dix jours ne sont pas suffisant pour tout voir, une vie peut-être ? Une vie pour approfondir une culture millénaire aux codes et aux gestes très pointus… Nous sommes fascinés par la culture japonaise. Nous connaissons finalement très peu de ce peuple – quelques clichés sûrement – et notre entrée chaque jour dans un temple est une nouvelle surprise.
Un temple chaque jour, ce fut donc notre programme.
Ils sont pour une majorité payants, cinq euro l’entrée, c’est pas donné. Financièrement on a mal mais on joue le jeu. Et nos yeux sont ravis. Nous rencontrons aussi les habitants et l’histoire de leur pays.
Il n’y a souvent que quelques mètres carrés à parcourir (non, on n’essaye pas de vous entuber. Il y a beaucoup d’entretien ici) mais se poser devant le jardin admiratif peut vous occuper une bonne heure. Nous ne vous présenterons pas en détails tout ce que nous avons vu ce qui risquerait d’être rébarbatif. Je vous invite plutôt à vous rendre un jour par vous même sur les lieux, si vous en avez la chance, cela vaut le déplacement. Le Japon est à vivre, plus que tout autre pays.
Ce qui nous frappera dans une majorité des lieux visités, c’est cette faculté que l’homme a de maîtriser son environnement. Tout est sculpté dans ses moindres détails, de l’arbre au buisson, du tas de galet aux pousses de mousses sur les racines. Dans les jardins japonais, rien n’est laissé au hasard. L’homme ne peut s’empêcher de mettre son grain de sel.
Ces jardins sont beaux, nous sommes jaloux. « En rentrant, je veux le même jardinier ! ». A Kyoto, quelques lieux sont encore peu visités par les immenses files de curieux (dont les étudiants japonais particulièrement présents en sorties scolaires) et sont propice à la relaxation. Y’a pas à dire, c’est au Japon que nous auront été les plus serein, un vrai bonheur.
Les jardins justement dits zen (ils sont pas les inventeurs pour rien) nous ont beaucoup plu avec leurs cônes de sable blancs à l’entrée des pavillons et leurs graviers ratissés en rond. Nous nous imaginons un petit enfant encore naïf courant sur ces graviers laissant ses traces derrière lui et laissant surtout un jardinier rouge de colère.
Un jardin n’ayant jamais été travaillé seul, de nombreux pavillons et temples sont construits face à la nature afin que moines et princes puissent se laisser aller à la contemplation et à la méditation. Un aspect commun se retrouve dans chaque habitations : la sobriété. Les pièces sont vides, il n’y a que deux ou trois meubles et des placards pour ranger matin et soir. Les murs sont peints sur les thèmes de la nature et des animaux. On est très loin des pièces surchargées de l’art chinois. Tout est fait pour que l’on soit en paix. Les pièces se ressemblent et peuvent servir a à peu près tout, pièce pour dormir, pièce pour prier, pièce pour dessiner, pièce pour jouer, pièce pour manger avec la grande famille, etc, je crois que vous avez compris. Et encore aujourd’hui, les habitations sont organisées sur ce modèle là.
La force du Japon est de puiser dans ses racines et, malgré la direction du reste du monde – qui peut-être opposée – de maintenir cap et de continuer à vivre au rythme de traditions millénaires.
Ainsi, la cérémonie du thé est encore pratiquée dans certaines maisons. Il est possible pour un étranger d’essayer de s’en approcher mais la complexité de cette cérémonie ne lui permettra pas de comprendre et ressentir la totalité de l’évènement. Nous prenons rendez-vous un soir vers 17h pour quarante minutes d’explications et de démonstration par une japonaise anglophone. L’accueil est tout sourire, impeccable et gracieux. Nous avons l’impression de franchir la porte d’un autre monde. Elle nous fera patienter le temps de chauffer l’eau. Après une dizaine de minutes d’explications, la cérémonie commencera, effectuée par ses soins. C’est les yeux rivés sur se mains que je l’observerai. Chaque geste semble réfléchi. Ils ont tous une explication l’un après l’autre, je le sens. Ils sont tellement nombreux et dictés sans mécanique mais avec bon sens, que je ne retiendrais pas la totalité. Je ne pourrais donc vous les ré-expliquer. Je me souviens de l’introduction, très importante, où en posant son petit éventail fermé devant elle, elle s’inclinera en signe de bienvenue ; geste qui sera répété à la fin de la cérémonie avant de quitter les invités. Je me souviens aussi de deux bols d’eau, celui contenant l’eau à boire et celui pour purifier chaque ustensile. Nous devons par ailleurs tourner notre bol deux fois dans la main. Pourquoi ? C’est simple et astucieux. Chaque bol a un dessin calligraphié sur une des faces. L’hôte nous tend le bol, dessin orienté vers nous ; pour boire, vous tournez deux fois pour placer le dessin face à vous et lorsque vous le retendez, vous replacerez le dessin dans la direction de l’être intéressé.
Après vingt minutes de cérémonie, nous serons amenés à faire notre propre thé et à le déguster. Enfin… façon de parler. Le thé vert japonais est une poudre fine verte appelé « matcha ». Elle est fouettée avec un peu d’eau jusqu’à l’obtention d’une mousse épaisse. Nos prenons nos petits fouets pour former de l’écume à la surface de nos bols. Pas si facile que ça. Ce thé à la particularité d’être très amer. Je le savais et depuis mon arrivée au Japon, je m’amuse à prendre des gâteaux et boissons à base de thé vert pour habituer mon palais. Le thé que nous réservera notre professeur sera franchement amer, cela ne fait aucun doute, mais il sera aussi bien parfumé. Je ne raffole pas, mais je le préfère comme servi dans les café : avec du lait. Nous ne finirons pas notre bol et de toute façon nous ne sommes pas venus pour ça. Une cérémonie du thé n’est pas dictée par l’envie de boire du thé, c’est plus compliqué.
Il existe plusieurs écoles pour ce type de cérémonies mais des points se rapprochent entre elles. Ainsi, l’hôte porte toujours un kimono. Un repas est bien souvent servi aux invités, c’est pourquoi cinq heures est la durée moyenne d’une longue cérémonie. Si aucun repas n’est disposé, les invités passent directement à la dégustation de friandises qu’il faut récupérer dans un petit papier blanc que chacun aura emmené avec lui (placé à l’origine dans une poche de la poitrine du kimono). Chaque ustensile dont le bol est rituellement nettoyé dans un ordre précis et avec des gestes précis. Ils sont ensuite replacé dans une position précise. L’hôte place ensuite une quantité de thé dans le bol, ajoute de l’eau et fouette vigoureusement. La conversation est gardée à son minimum. Les invités se relaxent et apprécient l’atmosphère créée par les sons de l’eau et du feu, l’odeur de l’encens et du thé, la beauté et la simplicité de la maison du thé et les décorations saisonnières appropriées. Les bols sont ensuite servis au invités.
Ils arrivent parfois qu’ils discutent entre eux arts, décoration florale, philosophie. C’est pourquoi la cérémonie de thé s’est souvent adressée à des personnes haut placées et qu’il ne reste plus beaucoup de japonais la pratiquant dans son intégralité aujourd’hui. « Plus assez de temps… » nous expliquera notre professeur.
Il est intéressant de voir à quel point tout prend de l’importance le temps d’une cérémonie du thé. Chaque objet compte. Ainsi la petite cuillère pour le thé est unique et se voit attribuée un nom par son possesseur.
Les couteaux aussi sont des objets importants dans la société japonaise. Ils ne sont pourtant pas utilisés à table où seuls les baguettes japonaises pointues pour piquer les aliments sont présentes (je n’ai jamais vu un japonais manger avec ses mains sauf au MacDo). Mais ils sont très utiles en cuisine afin d’émincer chaque aliment. Ce sera ce couteau, bien affuté et bien maîtrisé qui coupera le poisson cru avec une technique poussée (des années d’apprentissage) pour en faire de parfaits filets crus, les fameux « sashimi ».
La cuisine japonaise est une réelle découverte pour nous européens, et pour ma part reste une de mes nourritures préférées. Le secret réside dans le choix de l’aliment : toujours frais, sélectionné pour son arôme, sa texture, sa couleur, sa forme et de saison. Il ne sera jamais noyé parmi tant d’autres mais cuisiné pour son goût et agrémenté de diverses sauces parfumées. C’est un régal. Autre secret et pas des moindres : la présentation. Au Japon, manger est avant tout un plaisir pour les yeux. Le plat doit être joliment dressé et donner envie avant d’être envisagé comme dans son estomac. Je crois que chaque cuisinier devrait un jour prendre des cours de cuisine au Japon. C’est un art et une affaire très sérieuse où rentrent tous les sens en action. Difficile pour nous de comprendre toutes les subtilités.
Ainsi, sur la même veine, comme pour donner envie d’entrer au restaurant, chacun affiche dans la vitrine ce à quoi ressemble les plats à la carte. C’est devenu un jeu pour nous, errer devant les vitrines et saliver devant les dizaines de modèles en plastique. « Qu’est-ce que l’on mange ce soir ? Oh ! Regarde ! Cette assiette de riz et ce joli « tempura » de crevette…On y va ! » Aucun autre pays au monde (à part la Corée, mais c’est de la triche) n’excelle autant dans la représentation de fausse nourriture.
Et pour goûter aux différents produits inédits du Japon, rien de mieux que passer une demi-journée dans un marché et de gouter. Dans les étals, nous ne reconnaissons pas tout, champignons inconnus à nos yeux, racines, pâtes de riz pour former de jolis friandises, thé vert utilisé dans bon nombre de pâtisseries, algues et d’autre choses non identifiées.
Nous craquons sur le stand de poissonnerie où des brochettes de poisson cru sont vendues. Au delà de manger purement et simplement du poisson cru – cap que nous avons franchi depuis bien longtemps – je vous conseille vivement de goûter un jour un vrai bon filet de poisson cru bien découpé (quelques années d’apprentissage souvenez vous), c’est exquis ! C’est meilleur que cuit !
Aller au Japon sans tenter l’expérience « sushi » c’est un peu comme aller à Paris sans voir la tour Eiffel. Nous, nous adorons de toute façon, donc la vraie difficulté est d’en trouver de qualité correcte dans nos prix. Les « petits trains des sushis » sont là pour les budgets serrés. Il suffit de s’assoir autour d’une grande table ronde où thé vert, sauce soja, wasabi (sorte de moutarde japonaise verte forte) et gingembre en fines tranches sont à volonté. Devant vous défile une succession d’assiettes de différentes tailles, couleurs ou motifs. Le personnel vous remettra une carte avec le prix de chacune et à vous de jouer ! Vous avez juste à attraper votre assiette avec les sushi qui vous tentent au fur et à mesure. Attention, l’addition monte très vite.
Voilà une partie de nos aventures au Japon. Kyoto est une « petite » ville accueillante, riche d’un patrimoine millénaire. Elle est passionnante ; elle permet de découvrir et approfondir la culture japonaise, finalement assez inconnue dans nos régions européennes. Ici, on trouve encore le vieux Japon que l’on imagine tant, caché derrière quelques bâtisses en bois et jardins aménagés. C’est beau, c’est subtil, c’est doux, créatif et harmonieux, c’est le Japon.
Ah ! J’oubliais !
Un soir par mégarde, nous nous sommes retrouvés dans le vieux quartier de Gion. Dans les ruelles, des hordes de touristes couraient de maison en maison, appareil photo à la main ou caméra (pour ceux qui connaissent : nous avons vu des amateurs tourner en HDCAM !). Et pour cause !
Les geishas ne sont plus très nombreuses au Japon mais il arrive que par un heureux hasard, nous puissions en apercevoir… un dixième de seconde…
Maintenir ses racines, ses coutumes c’est la clé de toute société pour ne pas perdre pieds dans ce tourbillon infernal qui nous est imposé… la description de votre séjour a Kyoto est très agréable, tout comme ce pays a découvrir délicatement …
Jacky